Il vit sa vie au bord de l'eau, filao et coquillages. Tu le verras toujours bien dans sa peau quand il prend ses pinceaux. Il joue avec des couleurs et des mots et c'est numéro un. Dans son île on est fou quand on est musicien…artiste. Il tape sur la toile tout en restant fidèle à ses valeurs, il ne joue pas les requins. Il fabrique son art et ça lui va bien.
C’est en écoutant en boucle la chanson de Phillip Lavil que j’ai finalement eu l’inspiration qu’il me fallait pour vous partager le récit de ma rencontre haut en couleur avec Pascal Lagesse. Artiste peintre, auteur, et acteur, il trafique un peu dans tous les ports. Il rassemble en son être toute la diversité culturelle et artistique de l’île Maurice. Son île, sa source d’inspiration, sa muse. Symbole, signe ou simple coïncidence, il est né en 1968, la même année où l’île Maurice obtient son indépendance.
Histoires folkloriques, humour, sarcasme, couleurs pétillantes : Pascal Lagesse n’en finit plus depuis quelques années de nous régaler avec son art qu’il exprime aussi bien sur la toile que sur du papier. Après des dizaines de tableaux l’un plus magnifique que l’autre, l’artiste est loin de s’essouffler. Son expression artistique est tel un geyser. Sur le plan artistique, Pascal est un artiste accompli. Comme Obélix, il est tombé dans la marmite de l’art étant tout petit. Une passion engendrée par nul autre que ses parents. « Très tôt, mes parents m’ont donné le goût des tableaux et des sculptures. Ils ont été des déclencheurs de passion. Je suis un peintre autodidacte et n’ai jamais été aux beaux-arts. J’ai appris la peinture en observant les tableaux de mes aînés. J’ai fait des études d’art graphique et cela m’a beaucoup aidé pour la composition et la pratique de la gravure. J’ai commencé à peindre à l’huile en 1986 et me suis rapidement familiarisé avec d’autres techniques telles que l’acrylique, l’aquarelle, le pastel, l’encre, le fusain et la gravure sur plaques de cuivre et de zinc », explique l’artiste.
En 2003, l’artiste lance le concept artistique « Zafer », mot en kreol morisien qui signifie « chose » ou « truc ». Un style haut en couleur et tout à fait déjanté fidèle à l’image de l’artiste. « Quand j’ai créé, je cherchais une approche différente du paysage mauricien et, afin de garder un pied dans la peinture « classique », je décidais d’inclure la perspective. Cette perspective peut être réaliste ou volontairement déformante. Une fois que l’on apprivoise la perspective, on arrive à faire voyager le spectateur », confie t-il.
N’ayant pas la fibre artistique nécessaire pour analyser ou critiquer les tableaux de l’artiste, je m’arrête à une des cordes qu’il a récemment ajoutée à son arc : l’écriture. Pascal Lagesse a deux magnifiques ouvrages au compteur. C’est tout, me diriez-vous ! Mais ayant côtoyé de près le volcan artistique qui bouillonne au fond de ce grand monsieur, les prochaines sorties ne vont pas tarder. Comment explique-t-on cette aisance à jongler d’un genre artistique à l’autre ? À quel moment ressent-on le besoin d’écrire quand on est déjà un artiste-peintre avéré ?
Des pinceaux à la plume
Vous l’avez compris, Pascal Lagesse crée des peintures mais aussi des livres. Son dernier ouvrage est intitulé « John Berik, Detektiv pou ti-dimoun, Cabri, c’est fini ». Un thriller sorti en 2020, à dévorer sans modération. Écrit en français et en kreol morisien, ce livre nous emmène dans les quatre coins de notre belle île. Les dialogues de plusieurs personnages de ce livre sont en kreol morisien sous-titrés immédiatement en français.
On s’émerveille dans ce roman qui flirte avec l’humour noire. L’histoire déboule, virevolte, pas le temps de souffler. Tout s’enchaîne dans une langue farcie d’expressions typiquement mauriciennes, parsemée d’images et de métaphores inattendues, surprenantes (parfois même quelques jurons bien pimentés). Dès le tout début, le ton est donné : « Engoncé dans un peignoir aux motifs celtes, John, les yeux clos, écoutait la petite pluie xylophoniquer par la fenêtre de sa chambre. Son esprit en apesanteur en voulait fortement au Larousse de ne pas avoir inscrit ce mot si mélodieux dans son ouvrage. »
John Berik est un détective mauricien, pour le moins, atypique. Il se consacre à des enquêtes dont personne ne veut. Accompagné de son fidèle homme de terrain Gordon, il parcourt l’île afin de démasquer un redoutable gang de voleurs de cabris. Mais voilà : l’affaire est plus complexe qu’il n’y paraît et parfois derrière un simple vol de bétail peut se cacher une entreprise aux funestes desseins !
Voilà pour le contexte. Au passage, l’auteur nous fait part de quelques réflexions sur le métier d’écrivain. D’abord quelle est l’origine de cette passion pour les mots ? Est-ce un rêve d’enfant ? « Le terme ‘écrivain’ m’a toujours semblé réservé à ceux qui ont une longue carrière dans l’écriture et dont le talent est affirmé et confirmé. Je me sens tout au plus comme un ‘écrivaillon’. Cela dit, quand j’étais petit, il y avait deux écrivains dans ma famille, ma grand-mère Marcelle et mon père Yvan. (Mon grand-père Arthur Martial était aussi écrivain, mais il n’était plus là à ma naissance.) Cela faisait beaucoup. Je n’imaginais pas publier quoi que ce soit ayant une peur viscérale de leur jugement. J’ai toujours aimé écrire, mais il n’était pas question de publier quoi que ce soit. ».
Nous retrouvons dans cet ouvrage, des anecdotes tirées de faits réels. Quelle est la relation entre Pascal et John ? « Les personnages qui gravitent autour de John possèdent les caractères de gens que j’ai connus. Une scène dans le roman se passe au restaurant « Ciel bleu » à Port-Louis. En écrivant cette scène, j’ai réalisé que je pouvais ressusciter une personne qui m’était chère. Il s’agit de Laval que je connaissais bien et qui est décédé dans les années 80. Ce fut magique de pouvoir le faire revivre dans mon livre. Écrire est définitivement magique. Il n’y a pas de hasard si l’homme de main de John s’appelle Gordon et qu’il est gentil. La liste des anecdotes serait trop longue pour toutes les citer. »
« J’ai besoin de mettre sur papier les histoires qui flottent dans ma tête »
Même si l’auteur se décrit comme un écrivaillon (un terme qui désigne un écrivain médiocre, insignifiant avec très peu de talent), cet avis n’est heureusement pas partagé. Son ouvrage est loin d’être insignifiant. Je le décrirai plutôt comme un bouillon de cultures. S’il nous confie qu’il a deux passions, la peinture et ensuite l’écriture, il dispose d’une plume incroyablement fleurie. Comment devient-on écrivain quand on est déjà artiste-peintre ? « La peinture et l’écriture ont toujours été une constante dans ma vie. La peinture était visible et l’écriture cachée. J’écrivais des nouvelles que je ne montrais à personne par peur du jugement. Je ne suis pas un intellectuel et mes connaissances littéraires sont limitées. Mes lectures, comme tout ce que je fais dans ma vie, sont extrêmement éclectiques », affirme l’auteur. Pascal Lagesse confie être très inspiré par tout ce qui l’entoure, par la culture mauricienne, avec ses couleurs, ses senteurs, sa faune et sa flore et des détails dans ce qu’il voit. Il s’inspire également de ses auteurs préférés à l’instar de Pierre Lemaitre, Alain Gordon-Gentil, Marcel Pagnol, Jean Giono et encore Les Rois Maudits de Maurice Druon.
Dans ses toiles ou dans ses nouvelles, il donne encore plus d’importance à cet amalgame de culture. Il reprend notamment des expressions, dépeint des villages et des personnages qui ont rythmé son parcours artistique. « L’écriture est une activité très émotionnelle chez moi. Elle est d’une importance capitale dans ma vie. Que je publie ce que j’écris ou pas. J’ai besoin de mettre sur papier les histoires qui flottent dans ma tête. Quand je ne les couche pas sur le papier, elles me hantent. J’ai écrit un long roman fantastique que je ne publierai jamais et j’ai pris un plaisir extraordinaire à créer un monde qui n’existe pas et je me suis attaché aux personnages comme s’ils existaient vraiment. Pendant plus de vingt ans, les personnages et moi avons cheminé ensemble et ça a été extraordinaire pour moi. L’écriture est définitivement une passion chez moi. ». Et d’ajouter qu’il improvise au fur et à mesure et il a souvent eu l’impression qu’une voix lui dicte le texte. L’auteur a une vague idée de la fin, mais elle ne prend forme qu’à la fin de l’écriture. Il laisse la part belle à l’inspiration
« La vie est comme un ballet, quand vous connaissez les pas de danse, elle se déroule avec un minimum d’anicroche »
Des couleurs, des mots et plusieurs expressions, parfois drôles et touchantes, nous sentons l’humain et sa compassion dans ses tableaux et ses livres. Nous sommes persuadés que chaque admirateur ou lecteur peut se reconnaître à travers ses œuvres parsemées d’amour et de la richesse humaine. « Je me considère aujourd’hui comme un artiste peintre à plein temps. J’ai été dans une autre vie graphiste, diplômé après trois ans d’études en Afrique du Sud. J’ai travaillé dans le design et la publicité pendant un long moment et puis j’ai changé de métier et je suis devenu vidéaste. J’ai tourné et monté de nombreux films pour des compagnies mauriciennes, fait de la publicité audiovisuelle et des émissions pour la télévision nationale. Je suis passé d’un métier à l’autre avec un grand bonheur. Étant devenu allergique au stress, j’ai arrêté ces activités pour me consacrer à la peinture et à l’écriture ».
Pascal Lagesse est marié et père de trois enfants. Sa femme Carol est chanteuse et prof de chant. « Nous sommes tous les deux artistes et comprenons l’importance que cela revêt dans nos vies. Carol est ma première spectatrice et son avis est d’une grande importance pour moi. Nous arrivons très bien depuis plus de vingt ans à vivre nos passions et nous occuper des enfants. La vie est comme un ballet, quand vous connaissez les pas de danse, elle se déroule avec un minimum d’anicroche », partage-t-il.
Sur une note personnelle, je retiens de ma rencontre avec Pascal Lagesse un moment des plus agréable et de qualité. Un partage en toute humilité. Un grand homme qui se décrit comme un écrivaillon mais qui dans la vraie vie n'en est pas un. Ceux qui l’ont côtoyé ou le côtoieront bientôt comprendront. Vous y découvrirez un artiste vrai avec des coups de pinceaux et des jets de mots authentiques. Je vous invite à admirer ses tableaux, à lire ses œuvres ou à le rencontrer, il vous fera du bien et vous passerez en sa compagnie un moment haut en couleurs. Pour ne rien manquer sur les œuvres de Pascal Lagesse, restez connectés sur son site web.
Merci pour cet article. Nous le savons même ici, en France : Pascal est super, et ce qu'il fait (ses peintures, et son (bientôt ses) livre-s) nous réjouit.