Adaptation théâtrale de Namaste : un hommage vibrant à Marcel Cabon
- Kinsley David
- 21 juin
- 2 min de lecture
Depuis 2016, je ne manque jamais une représentation de la Troupe Theatralis. Fidèle au rendez-vous, elle ne cesse d’émerveiller son public à chaque mise en scène. Mais cette année, la barre a été placée bien haut. Sous la houlette de la brillante Corinne de Baize, l’équipe a une fois de plus prouvé l’immensité de son talent avec une simplicité et une humilité presque déconcertantes.

Loin des artifices, des paillettes et des “m’as-tu-vu” si caractéristiques de notre époque, où l’extravagance semble parfois érigée en norme, la troupe choisit l’authenticité. Elle défie les tendances clinquantes par la force du jeu, la beauté du texte et l’intelligence de la mise en scène.
Après Topaze, Le Voyage de Monsieur Perrichon ou encore Roméo et Juliette, la troupe s’attaque cette fois à un monument de la littérature mauricienne : Namaste de Marcel Cabon. Une œuvre puissante, dense, sans dialogues, racontée d’un seul souffle, et justement, tout le défi est là. Comment transposer un récit si poétique sur les planches, sans trahir son essence ? Pari risqué… mais pas impossible pour ces artistes-là.

Les premières images, dévoilées avant le début des représentations, annonçaient déjà la couleur : tenues traditionnelles hautes en couleur, regards habités, gestuelles soignées. On y retrouvait les piliers de la troupe : Alexandre Martin, majestueux, Clarel Broudou, toujours juste, et bien sûr, Corinne de Baize, incarnant la grâce et la rigueur. Mais aussi de nouveaux visages, promesses d’avenir pour notre île, petite en taille mais grande par son vivier de talents.
Bryan Leste, qualifié de néophyte par Corinne de Baize elle-même, a surpris tout le monde. Dans le rôle de Ram, il a déployé une palette d’émotions d’une justesse remarquable, faisant vibrer l’âme même du roman. Il n’a pas interprété Ram. Il était Ram.
Les dialogues, ajoutés avec finesse, ont épousé la poésie du texte originel. Tout sonnait juste. Tout coulait. On retrouvait cette époque suspendue entre tradition et mutation, entre simplicité du quotidien et complexité des destins.
Le décor, signé Jérémie Avice, est à couper le souffle. Sobre, mais évocateur. Chaque élément semble chargé d’une mémoire, d’une émotion. La mise en scène, fluide et élégante, reste fidèle à la marque de fabrique de la troupe. Et cette fois, cerise sur le gâteau : des chorégraphies inspirées, portées par la musique de notre diversité culturelle. Anna Patten et ses danseurs ont su traduire en gestes ce que les mots ne pouvaient dire.
Pour qui a lu Namaste, la fin est connue. Tragique. Oumaouti meurt. Le bébé de Kamala est enlevé. Ram sombre dans la folie. Mais sur scène, ces tragédies sont repoussées à l’horizon. Elles n’éclipsent pas les autres moments — elles les prolongent. On savoure chaque tableau, chaque réplique, comme une mangue mûre, sucrée, presque trop douce pour annoncer l’amertume qui vient.
Si Marcel Cabon avait été là, il aurait, j’en suis sûr, esquissé un sourire. Peut-être même versé une larme. Car son œuvre n’a pas été adaptée. Elle a été honorée.
Encore une fois, la Troupe Theatralis a gagné son pari. Et conquis les cœurs.
Chapeau bien bas. Et vivement la prochaine représentation.
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